Page:Potvin - Le membre, 1916.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
LE « MEMBRE »

Le buffet avait été établi dans la salle du Comité des Bills Privés. Mansot y pénétra avec un serrement de cœur ; jamais salle ne lui parut plus lugubre. Plusieurs députés et quelques ministres étaient attablés devant d’assez savants « drinks » américains. Mansot aperçut le premier Ministre qui causait avec le Ministre de l’Agriculture.

Il sembla aussitôt à Mansot, et Octave lui en fit, du reste, la remarque, que le visage de Sir Omer attestait un ennui trop visible dans les coins tombants des lèvres et aux rides, aux angles des paupières. En causant avec son collègue, il hochait la tête comme s’il répondait à une pensée informulée et ses paupières, abaissées ou relevées, frémissantes, semblaient se débattre contre une vague lassitude. Son large plastron, piqué d’un brillant, donnait un singulier relief à la carrure de son buste fâcheusement gâté par la poussée d’un bedon envahissant rétif à l’action comprimante des ceintures.

Donat s’inquiéta de la sombre physionomie du Premier et de ses furtifs et inaccoutumés à-coups nerveux.

« Il vaudrait peut-être mieux, dit-il à Lamirande, retarder l’entrevue. »

— Non, mon vieux, le vin est tiré, il faut le boire… C’est, du reste, ce que nous allons faire en réalité… Tu prends ?…

— Un sherry whisky.

— Moi, un Manhattan cocktail…

Ils s’assirent tous deux à une petite table non loin de celle se trouvait Sir Omer.

Près d’eux causaient avec grand entrain le ministre