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LE « MEMBRE »

Lui seul, pourtant, savait tout… On ne lui a rien demandé de ce qu’il savait… On l’a condamné seul, sans l’entendre. Et puis après, que se rappelle-t-il encore ?

Pendant les premiers jours de l’enquête, il a erré, fiévreux, dans les couloirs du Parlement, s’attendant toujours qu’on viendrait lui faire dire sa version du « crime ». On ne la lui a pas demandée.

Une après-midi, le Premier ministre l’appela dans son Bureau.

« Monsieur Mansot, lui avait-il dit, tout simplement, vous allez donner votre démission au président de la Chambre. »

« Au moins, Monsieur le Premier Ministre, va-t-on m’entendre ? » se souvient-il d’avoir demandé timidement au chef du gouvernement.

— Oui, lui répondit le Premier Ministre ; et vous parlerez ; vous direz tout car je veux voir, entendez-vous, le fonds et le tréfonds de cette affaire…

Il attendit encore un jour, deux jours. L’enquête continuait, les séances se multipliaient jours et nuits et les témoins défilaient avec régularité devant les juges… Puis ?…

Et puis, il ne se rappelle plus rien. Il n’y a plus que de la nuit dans ses souvenirs. Un jour, cependant, ou plutôt, c’était la nuit ou le soir, il a cru avoir entrevu trois hommes qui, longtemps, l’ont examiné, ausculté, tâté ; mais il a toujours cru à un mauvais rêve, à un cauchemar. La tête lui faisait mal ; il avait de grands bourdonnements dans les oreilles, ses tempes étaient serrées comme dans un étau.