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III

Catastrophe.


Un à un, les ministres sont venus prendre place sur les berges de la rivière. Quand le dernier, qui était le Secrétaire Provincial, vint s’asseoir sur une roche qui disparaissait à moitié dans l’eau, il y avait même près d’une demi-heure que la ligne du premier ministre se promenait au fil du courant.

« Peste ! mon cher Descarrières, cria le Trésorier Provincial qui regardait s’installer le Secrétaire sur sa roche, on dirait que vous avez autant de difficultés à garder votre équilibre là-dessus que j’en ai à conserver celui de mon budget ?…  »

Maintenant, toutes les lignes trempent, immobiles, dans l’eau. Un solennel silence s’étend dans ce coin de paysage.

Les ministres sont généralement grands pêcheurs aussi bien devant Dieu que devant les hommes. On dirait qu’il existe comme une analogie entre le pouvoir et la pêche à la ligne. C’est le même mystère avec ses incertitudes, ses imprévus, ses misères et ses joies. On devient pêcheur à la ligne comme on devient ministre, même sur le tard. On ne naît jamais ni l’un ni l’autre. Et, pourquoi les ministres aiment-ils la pêche ? Qui le dira ? Est-ce passion refoulée qui gagne un jour, leur sujet ? Est-ce un dérivatif aux rêves du cœur ? Est-ce