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Peter McLeod

nayens. Dans la plaine blanche, ouatée d’une épaisse neige, silencieuse encore de tout le poids de la nuit, Fred Dufour semblait le dieu de ces solitudes que l’on eut dit éternelles. Il était, semblait-il, taillé tout exprès pour affronter les dangers et les traîtrises cachées partout en ces coins désertiques des confins de la civilisation.

Dire que la veille, durant la soirée, il était allé dire adieu à Mary Gauthier serait oiseux. Il lui avait raconté dans tous les détails, les derniers événements, son étonnante victoire sur Peter McLeod, son entrevue avec le redoutable Boss, l’offre d’argent qu’il lui avait faite pour quitter le pays, son refus et, enfin, l’ordre qu’il lui avait donné d’aller faire la paix à l’Anse-au-Cheval.

Mary Gauthier, à la vérité, ne fut guère enchantée de ce problématique voyage de son ami, seul, dans la neige, à travers cinquante milles de forêts et de montagnes. Mais elle était accoutumée à cette vie aventureuse des bois où, chaque jour, tout peut arriver, aussi bien à ceux qui se croient à l’abri du danger qu’à ceux qui y sont le plus exposés. La dernière partie de la soirée se passa à échanger le menue monnaie ordinaire des amoureux transis des solitudes qui n’ont guère de potins à raconter et à commenter. Heureusement que le père Jean Gauthier, participant à cette soirée des adieux, était là pour alimenter la conversation qui, parfois, baissait autant que la flamme falotte de la chandelle de suif servant tant bien que mal de clair de lune à cette idylle de caractère plus ou moins nordique.