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Page:Potvin - Sous le signe du quartz, 1940.djvu/247

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ces cours d’eau, de ces collines, de ces plaines se dégagent mille éléments d’émoi poétique : ces terrains crétacés, ces pentes argileuses, ces dépôts sédimentaires et ces jeux d’érosion touchent le cœur autant qu’ils frappent la raison… Poésie de toutes ces choses ; univers infini dont nous ne connaissons que quelques étoiles !…

« Nous y voilà ! » cria tout à coup le père Lasnier qui, comme moi, en proie sans doute aux mêmes charmes de la même rêverie, n’avait pas ouvert la bouche de toute la traversée. La « verchères » glissa sur un onctueux coussin de vase, et les maisonnettes de Kanasuta, vernissées d’ombre et comme sortant subitement d’un trou d’obscurité coagulée, se jetèrent sur nous…

Comment se fit-il que dans le cahotement de la bagnole du père Lasnier filant son quarante à l’heure sur la route de Rouyn, mon esprit, se détournant du souvenir tout frais des spectacles ravissants du Lac-des-Îles dont mes yeux étaient encore remplis, se mit comme à broyer du noir en pensant à toutes les tragédies et aux drames dont furent le théâtre ces terres illimitées, non seulement lorsqu’elles étaient plongées, au fond des âges, dans une sauvagerie sans nom, mais même quand elles se mirent à frémir au contact de la vie civilisée ?…

Et pourquoi, dans le tonnerre brinquebalant du « bazou » du père Lasnier, je pensai à la mort tragique de Stanley Siscoe ?…