Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/106

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des formes différentes ? Qui ne se lasserait de vous assurer toujours de ce dont vous ne doutez plus depuis longtemps, d’entendre toujours les mêmes objections, de détruire les préjugés qui n’ont pas existé et n’existeront jamais dans l’esprit d’une jeune enfant de treize ans ? Qui ne se lasserait des menaces, des prières, des serments, des prétendues craintes, des lettres de six pages, des mensonges, des calomnies, des bagues et des larmes, de la surveillance des tantes et des mères, et de l’amitié fatigante des maris ?


Ainsi pensait mon Eugène. — Dans sa première jeunesse, il connut les égarements des passions indomptables ; la vie était pour lui une affaire d’habitude. On le voyait s’éprendre pour quelque chose d’une sympathie passagère, se désenchanter subitement d’une autre ; se tourmenter d’un désir trop lent à se réaliser, se fatiguer d’un succès éphémère. Mais il entendait toujours, et dans le silence comme dans le bruit, l’éternel murmure de l’âme, et sous le sourire de la gaîté, il dissimulait mal les bâillements de l’ennui. C’est ainsi qu’il passa huit années à effeuiller les roses de sa jeunesse.