Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/135

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bruits de verre, comme après un grand enterrement[1]. Elle ne comprend rien à tout cela. Elle s’approche doucement de la porte et regarde à travers une fente. Que voit-elle ?… Autour de la table, des monstres sont assis ; l’un avec des cornes et un museau de chien, l’autre avec une tête de coq ; ici une sorcière avec une barbe de chèvre, là un squelette insolent et guindé ; plus loin un nain avec une queue, puis un animal moitié grue et moitié chat.


Chose plus effrayante encore, une écrevisse se tenait à cheval sur une araignée ; un crâne, coiffé d’un bonnet rouge, tournait sur le cou d’une oie ; un moulin à vent dansait la priciadka[2] en faisant craquer ses ailes. Des aboiements, des éclats de rire, des sifflements et des battements de mains : des cris d’hommes et des trépignements de chevaux, voilà ce qui sort de cet antre ! — Mais quelle n’est pas la stupeur de Tatiana lorsqu’elle reconnaît parmi les convives celui qui lui est tout à la fois si cher et si redoutable : Onéguine, qui, assis là, jette à la dérobée des regards vers la porte !…

  1. Nous avons déjà dit qu’après avoir reconduit un mort au cimetière il est d’usage de faire un dîner.
  2. Danse nationale russe.