Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/162

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en sillage grisâtre dans le bassinet ; la pierre est fortement serrée par la vis : ils arment de nouveau. Guillot, tout tremblant, se met alors à l’abri derrière un buisson.

Les deux champions quittent leurs manteaux, Zaretsky mesure trente-deux pas avec une exactitude parfaite, et les place aux deux extrémités. Chacun lève son arme.


« Maintenant, allez ! »

À ces mots, les deux ennemis s’avancent de sang-froid, sans viser encore. Ils font quatre pas lents et égaux, quatre degrés de plus vers la tombe ! Eugène ne cesse pas de s’avancer, et, le premier, il lève son pistolet et vise. Ils font encore cinq pas, — et Lensky, fermant l’œil gauche, vise à son tour. Tout-à-coup, Onéguine tire ! — L’heure fatale a sonné ; le poète lâche silencieusement son arme,


met lentement la main sur sa poitrine, et tombe… Son regard voilé annonce la mort et non pas la douleur : ainsi le bloc de neige, étincelant au soleil, s’affaisse lentement sur la montagne.

Saisi subitement d’un froid au cœur, Onéguine