Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/172

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fleurs. Les vallées perdent leur humidité et reprennent leur parure, les troupeaux sortent en mugissant, et le rossignol a déjà chanté dans le silence des nuits.


Que ton apparition m’attriste, printemps vermeil, saison de l’amour ! Quel trouble plein de langueur tu apportes à mon âme ! Lorsque ton souffle embaumé se joue sur mon front, je ressens une émotion qui m’accable.

Le bonheur m’est-il donc interdit ? Tout ce qui plaît, tout ce qui vivifie, tout ce qui réjouit, se change-t-il en accablement et en ennui douloureux pour l’âme sombre et malade ?


Ou bien les premiers bruits des forêts qui reprennent leur feuillage me reportent-ils à l’automne dernier, où elles le perdaient ? Peut-être la blessure que me fit une perte amère se rouvre-t-elle ? Peut-être mon esprit est-il frappé du contraste de cette nature toujours renaissante avec nos années, que rien ne peut rajeunir… Peut-être aussi suis-je reporté à un autre printemps déjà loin, et mon cœur tressaille au souvenir d’un rivage éloigné, d’une nuit splendide, des étoiles…