Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/195

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Mais assez, assez, ô poète ! N’as-tu pas déjà largement payé ton tribut à la folie ?…


Les rires éclatants, les allées et venues, les saluts, le galop, la valse, la mazourka se succèdent, — Tatiana reste assise auprès d’une colonne entre deux vieilles tantes, et personne ne la remarque. Elle a horreur de l’agitation du monde ; elle étouffe dans cet air… Sa pensée s’élance vers la vie des champs, vers les pauvres villageois, vers le petit coin solitaire, vers les bords du ruisseau. Ah ! comme elle regrette ses fleurs, ses livres, et, dans la sombre allée de tilleuls, l’endroit où il lui était apparu pour la première fois !


Cependant tandis que sa pensée errait ainsi bien loin du monde et du bal bruyant, un vieux général ne la quittait pas des yeux. Les tantes se firent un signe et poussèrent en même temps Tatiana du coude en lui disant chacune à l’oreille : « Regarde vite à gauche. » Tatiana répond : « À gauche ? où ? qu’y a-t-il donc ?

— Regarde toujours. Ne vois-tu pas, devant toi, deux hommes en uniforme ? Le voilà qui s’éloigne… le voilà qui s’est mis de l’autre côté.