Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/199

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travers les ténèbres de la nuit, elle me conduisait écouter le bruit de la grande mer, le chuchotement incessant des Néréides, le bruissement des flots, hymnes éternels à la louange du Père des mondes.


Oubliant la splendeur et les festins brillants de la cité lointaine, ma muse visita dans les déserts de la Moldavie l’humble tente des tribus nomades. Elle devint sauvage et oublia la langue des dieux pour le chant des steppes chéries. — Mais voilà qu’elle m’apparut plus tard dans mon jardin, sous la forme d’une noble demoiselle de province, le front assombri, et tenant à la main un livre français.


Pour la première fois aujourd’hui, je la conduis à un raout du monde, et c’est avec une crainte jalouse que je regarde les beautés de ce nouveau pays. Elle glisse à travers les rangs pressés des nobles, des militaires élégants, des diplomates et des dames orgueilleuses. La voilà tranquillement assise au milieu d’une foule bruyante qui lui plaît. Elle admire la soudaine apparition des robes et des langages, celle plus lente des convives devant