Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/207

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Il quitte le raout. Il retourne chez lui, tout pensif, et dans son sommeil, bien lent à venir, une pensée, tantôt triste et tantôt délicieuse, vient le troubler. À son réveil, il reçoit une lettre : le prince N. l’invite à une soirée. « Dieu ! chez elle !… Oh ! j’irai, j’irai ! » et vite il griffonne un mot de réponse. Que se passe-t-il dans son âme ? Dans quelles pensées étranges est-il plongé ? que s’est-il donc remué au fond de ce cœur si égoïste et si froid ? le dépit, la vanité, ou bien le tourment de la jeunesse : l’amour ?


Onéguine compte les heures ; la fin du jour lui est d’une attente insupportable. Dix heures sonnent ; il part, il court ; le voilà sur les degrés du perron : il entre en tremblant chez la princesse. Tatiana est seule. Ils passent quelques moments ensemble : Eugène ne peut parler, il est morne et gauche, c’est à peine s’il répond ; son esprit n’est occupé que d’une seule pensée. Il jette enfin un regard sur la jeune femme : elle est assise tranquillement, et son maintien ne décèle aucun trouble.


L’entrée du général rompt cet ennuyeux tête-à-tête. Les deux amis se rappellent les espiègleries,