Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/211

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nuits. Il passe cent fois sous les croisées de la jeune femme ; il la poursuit comme une ombre. Jeter sur ses épaules le manteau de fourrure, effleurer sa main, lui frayer un passage à travers l’armée des serviteurs en livrée, à la sortie du bal : voilà tout son bonheur !


Efforts inutiles ! — Eugène dépérit chaque jour, et on ne remarque point cela. Tatiana le reçoit toujours chez elle avec une aisance parfaite. Le rencontre-t-elle dans le monde, elle lui adresse deux ou trois mots, quelquefois s’en tient à un salut : quelquefois elle affecte de ne pas même le voir. Elle n’est du reste coquette avec personne, et beaucoup s’en affligent. Eugène commence à pâlir : elle ne le remarque pas, ou elle n’en a pas souci. Il maigrit ; tout le monde lui parle de médecins, d’une saison aux eaux ;


mais il ne veut point partir, et d’avance il est prêt à dire à ses aïeux qu’il les verra bientôt : Tatiana ne s’en inquiète pas davantage. Toutefois il ne veut pas que sa passion meure, et il espère encore… Plus hardi que l’homme en pleine santé, le malade écrit d’une main tremblante une lettre