Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« La pensée du Révisor appartient tout entière à Pouchkine, » — nous dit Gogol ; — « dans ma comédie du Révisor je résolus d’entasser tout ce qu’il y a de plus mauvais en Russie, selon ce que j’en pouvais savoir, toutes les iniquités dont on se rend coupable dans les juridictions mêmes où l’homme doit le plus pouvoir compter sur la justice de ses semblables. »

C’est à Rome que Gogol apprit la mort de son ami ; voilà en quels termes il épanchait sa douleur : « Quelle terrible catastrophe ! Toute ma joie, tout le bonheur de ma vie, vous venez de l’ensevelir avec lui ! Je n’entreprenais rien sans l’avoir consulté.

» Je n’ai pas écrit une ligne sans me le représenter à côté de moi. Ce qu’il dirait, quelle observation il ferait, ce qui le ferait rire, à quoi il donnerait son approbation… Voilà ce qui m’occupait, ce qui soutenait mes forces. Avec lui le mystérieux frisson d’un bien-être inconnu sur la terre pénétrait mon âme de volupté. Eh ! mon Dieu ! mon travail actuel[1], il était son inspiration ; c’est à lui que je le rapporte… je n’ai plus de force pour le continuer ! »

Ainsi donc Pouchkine fut l’inspirateur des œuvres de Gogol, qui ont fait connaître la Russie, et, en mettant à nu bien des misères, ont hâté l’instant de la délivrance morale de ce pays.

  1. Les Âmes mortes.