Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont j’admirais si souvent la grâce enchanteresse ? ou bien mon regard attristé ne rencontrera-t-il plus, sur l’ennuyeuse scène, de visage connu, et, spectateur indifférent, serai-je réduit à promener sur des figures étrangères ma lorgnette désenchantée, à bâiller en silence, et à me souvenir du temps passé ?


Le théâtre est rempli, les loges étincellent, le parterre et les fauteuils bourdonnent, le paradis s’impatiente ; enfin le rideau se lève. Brillante, vaporeuse, prête à obéir à l’archet magique et entourée d’un grand nombre de nymphes, Istomina paraît. L’un de ses pieds effleure à peine le sol, l’autre tourne doucement ; puis, tout-à-coup, elle s’élance par bonds légers ; elle vole, elle vole, semblable à un duvet qui s’échappe des lèvres d’Éole ; tantôt elle plie gracieusement son corps souple et moelleux, tantôt elle le balance et frappe ses petits pieds l’un contre l’autre.


Tout le monde applaudit. Eugène entre alors en se frayant un passage à travers les fauteuils et les pieds des spectateurs. Il dirige sa jumelle sur les loges des dames inconnues, parcourt les rangs, et