Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/44

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ries, je l’aime en hiver sur les chenêts, dans les salons sur le parquet uni, je l’aime sur le sable de la mer, sur le granit des rochers.


Il m’en souvient : la mer, avant l’orage, amenait ses vagues se coucher amoureusement l’une après l’autre à ses pieds… Combien j’étais jaloux ! Combien je brûlais de pouvoir, avec les ondes, effleurer de mes lèvres ses charmants petits pieds ! Non, jamais, pas même lors des ardeurs les plus dévorantes de ma fougueuse jeunesse, jamais je ne désirai avec une pareille souffrance baiser les lèvres des jeunes Armides, ou leurs joues roses, ou leur sein soulevé par l’amour ! Non, jamais la fougue de mes passions n’avait tourmenté ainsi mon âme !


Mais voici d’autres souvenirs : parfois, dans mes rêves, il me semble tenir l’heureux étrier, et sentir dans mes mains le petit pied ; alors l’imagination s’enflamme, alors ce contact fait bouillonner mon sang dans mes veines desséchées… De nouveau reviennent et l’angoisse et l’amour. Mais c’est assez, lyre qui ne sais pas te modérer ! cessons de célébrer ces femmes orgueilleuses ! elles ne