Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/76

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Ils conservaient dans leur manière de vivre les coutumes du bon vieux temps : ils mangeaient les blinis[1] pendant les trois jours du carnaval, communiaient deux fois par an, aimaient les rondes balançoires, les noëls joyeux et les kharavodes[2]. Le jour de la Trinité, lorsque le peuple bâillait à l’office, ils laissaient tomber quelques larmes sur leurs rameaux fleuris. Enfin le kvass[3] leur était aussi indispensable que l’air qu’on respire, et à table, ils veillaient scrupuleusement à ce que les plats fussent présentés à leurs hôtes selon leur rang.


Tous les deux vieillissaient ainsi. Enfin les portes de la tombe s’ouvrirent pour le mari qui alla recevoir au ciel une autre couronne. Il mourut une heure avant le dîner, pleuré de ses voisins, de ses enfants et de sa femme. Sa vie pure, la franchise de son caractère, le mettaient au-dessus des autres hommes ; il fut un maître simple et bon. Sur le

  1. Espèce de beignets russes.
  2. Les kharavodes sont des chœurs où les hommes et les femmes chantent en tournant doucement.
  3. Le kvass est la boisson populaire de la Russie ; c’est une petite bière faite avec de la farine de seigle.