Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/86

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tueux du crime, mais je peindrai tout simplement l’intérieur d’une famille russe, les rêves enchantés de l’amour et les mœurs de nos ancêtres.


Je raconterai les simples paroles d’un père ou d’un vieil oncle, les rendez-vous des enfants, sous les tilleuls, au bord du ruisseau. Je dirai les tourments de la jalousie, les séparations, les pleurs du retour ; puis surviendra une rupture : enfin je les conduirai à l’autel. Dans ce temps-là le tendre langage de la passion et de l’amour inquiet reviendra à ma mémoire ; — je savais bien le parler autrefois, aux genoux de ma belle maîtresse : aujourd’hui je l’ai oublié….


Tatiana, pauvre Tatiana, je veux maintenant verser des larmes sur ton sort. Tu as livré ta destinée aux mains d’un jeune élégant qui sera ton tyran cruel ! Ma pauvre enfant, tu succomberas ! Et en attendant, tu te berces d’espérances, tu appelles de tes vœux une félicité qui te fera souffrir. Dans quel aveuglement tu es tombée !… Tu apprends à connaître les douceurs de la volupté, tu bois le magique poison des ardents désirs, et un cortège d’illusions te poursuit. Partout tu vois un