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CHAPITRE IX

les fanfares de rienzi et la tempête du vaisseau-fantôme


De sa « Sibérie-prussienne », de ce plat pays si froid, l'imagination de Wagner commence bientôt de s'évader vers les contrées chaleureuses où l'artiste se figure qu'il est attendu, qu’il sera fêté, et que ses créations y fertiliseront des terres avides de nouveauté.

Il avait écrit à Scribe, prince incontesté des théâtres de Paris, pour le prier d'établir un livret d'opéra dont il composerait la musique. Et, bien qu'il n'eût reçu depuis six mois aucune réponse, il récrivit pour offrir au librettiste illustre d'adapter à la scène française sa Défense d'aimer, s’en remettant à MM. Auber et Meyerbeer pour juger de la valeur musicale de son œuvre. C'était naïf. Mais on sait qu'à Paris tout est possible, même l'improbable ; et dès lors qu'un grain de fantaisie ou de folie semble toujours prêt à faire lever la pâte française la plus traditionnelle, pourquoi, cette fois, les cuisines de l'Opéra-Comique n'essayeraient-elles pas la recette que leur proposait un jeune maître-queux germanique ? Scribe répondit un peu plus tard par une lettre courtoise, et offrit ses services. Mais ce projet, qui attache la pensée de Wagner à Paris de manière plus vive, n’eut pas de suite immédiate parce qu'un événement imprévu vint derechef bouleverser sa vie sentimentale. Presque jour pour jour six mois après son mariage, le soir du 31 mai de 1837, en rentrant chez lui, Richard trouva son logement déserté