échouons, j’en serai quitte pour un peu de prison, et dans tous les cas le navire sera exempt de saisie. Il fut si pressant, et la perspective d’être libre est tellement engageante que nous consentîmes à accepter la proposition du généreux médecin. Il avait tout arrangé, de façon à ne compromettre ni le capitaine ni le navire : il devait nous cacher dans sa pharmacie, dont lui seul avait les clefs et qui était comme son domaine à lui, de l’administration duquel il avait seul les privilèges et la responsabilité.
C’était deux jours après que devait avoir lieu le départ du navire baleinier. Dans la nuit qui suivit cet arrangement préliminaire, je me pris à réfléchir, et, dans la longue insomnie que me valait la gravité de la situation, je pesai toutes les raisons pour et contre : le résultat de mes délibérations, ainsi faites à part moi, fut qu’il valait mieux ne pas tenter cette aventure, si pleine de dangers pour les hommes généreux qui voulaient bien y prendre part dans notre unique intérêt, et pour nous. D’ailleurs, au cas de plein succès, je ne voyais rien de mieux, dans le résultat, que l’obligation de vivre et de mourir en dehors de mon pays natal.
Je communiquai à mon ami, M. Bourdon, le résultat de mes méditations et ma détermination de ne point partir, qui en était la conclusion pratique. Je lui dis qu’il y avait tout lieu d’espérer une amnistie, et que, dans ce cas, notre évasion équivaudrait à un bannissement perpétuel.