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pu répandre plus de lumières ; il ſuffit de n’avoir été privé d’aucun moyen d’inſtruction, & d’avoir pu les employer librement : c’eſt à chaque individu qu’il appartient de choiſir la méthode de s’éclairer qui lui convient le plus, de proportionner l’étude qu’il eſt obligé de faire ſur une queſtion à ſes lumières, à la force de ſon intelligence. Et certes, l’expérience a prouvé que les hommes qui voudroient avoir lu tout ce qui a pu être écrit ſur un objet, écouté tout ce qui pourroit avoir été dit, finiroient par ſe rendre incapables de décider.

Mais, pour former un vœu général du vœu particulier de pluſieurs aſſemblées iſolées, il eſt nécéſſaire que ce vœu tombe ſur une queſtion irrévocablement poſée, & perſonne n’ignore à quel point la manière de poſer une queſtion peut influer ſur le réſultat des décisions.

L’on doit donc regarder comme illuſoire le droit de déciſion, laiſſé à des aſſemblées ſéparées, toutes les fois que la forme ſous laquelle cette déciſion leur eſt demandée, peut influer ſur leur vœu, ou même le déterminer en quelque ſorte. Cette méthode de décider, ne doit donc pas être appliquée à toutes les eſpèces de queſtions, mais il faut la réserver pour celles, où de quelque manière qu’une propoſition eût été posée, en prononçant qu’elle eſt acceptée ou refuſée, on rempliroit véritablement l’objet pour lequel la volonté de ces aſſemblées eſt interrogée. On ne doit donc y avoir recours que pour des propoſitions ſimples, & pour une ſuite quelconque de propoſitions, dans le cas où le refus d’acceptation s’étendant ſur la totalité même lorſqu’on en rejetteroit ſeulement une partie ; ce refus exprime encore le vœu que l’on a eu intention de connoître.

Maintenant, dans quelle vue, par exemple, propoſe-t-on à l’acceptation immédiate des citoyens un plan de Conſtitution ? C’eſt afin que le peuple, n’obéiſſant proviſoirement qu’à des pouvoirs établis par ſon conſentement, conſerve ſa ſouveraineté toute entière ; c’eſt afin qu’aucun pouvoir contraire à ſes droits ne puiſſe être établi, même momentanément ; c’eſt afin que ce conſentement donne à ces lois l’autorité du vœu exprès de la majorité.

L’acceptation d’une Conſtitution toute entière par la majorité des citoyens dans des aſſemblées ſéparée, dont les membres ont pu la ſoumettre à leur examen, exprime, d’une manière certaine, qu’ils n’en croyent l’établiſſſement ni dangereux pour leur liberté, ni contraire à leurs intérêts ; qu’elle ne leur offre rien qui bleſſe leurs droits ; qu’elle leur paroît les garantir dans toute leur inté-