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LE COUPLE AU JARDIN

elle augmentée par le double deuil que nous portions. La douleur met un cœur en état de réceptivité.

En effet, lorsque, trois ans plus tôt, au printemps de 1934, les deux jeunes gens s’étaient rencontrés chez des amis communs, ils étaient l’un et l’autre vêtus de noir et pâlis par un chagrin récent. Blanche venait de perdre un frère de vingt-six ans, mort au loin. Nérée pleurait la fin tragique de son père, laquelle avait jeté la consternation dans toute la région du Var.

Paul Galliane, propriétaire du domaine Pomponiana, âme énergique et généreuse, était soucieux de l’amélioration de la condition humaine. Dans cet esprit, il militait ardemment pour ses convictions politiques. Depuis longtemps conseiller général, il céda aux instances de ses amis en posant sa candidature à la députation. Un candidat d’un parti adverse lui fut opposé et la lutte prit une violence imprévue, du fait de quelques agitateurs étrangers au pays. Le plus remuant d’entre eux était un jeune homme nommé Pierre Vincent, rédacteur en chef d’une feuille éphémère imprimée au vitriol. Aux excès de ces énergumènes, Paul Galliane opposait son honorabilité inattaquable et sa tranquille bonne foi. Une nuit, à la suite d’un meeting à Toulon, une bagarre se produisit. Cela commença par des coups de poings, puis des coups de feu partirent. Galliane, qui s’avançait, les mains ouvertes, avec des paroles d’apaisement, s’abattit, le ventre troué d’une balle.

Trois témoins affirmèrent que la balle était partie du revolver de Pierre Vincent. Mais, à la faveur du tumulte, de la nuit et, sans doute de complicités, le meurtrier avait disparu et demeura introuvable.