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LE COUPLE AU JARDIN

gret qui pût attrister son mari. Une fois la semaine, elle allait à Toulon, emportant les plus belles fleurs et les meilleurs fruits des jardins. Le docteur demeurait invisible. Blanche s’entretenait longtemps avec la gouvernante, continuait de lui donner les directions utiles. S’il y avait à faire quelque achat important pour la maison, c’est elle qui s’en chargeait ; si le docteur devait recevoir quelques amis, elle réglait le menu du repas. Puis, après avoir visité lentement les salles, elle s’en allait de son air tranquille, le cœur gros, mais avec une indécourageable confiance. Lorsqu’elle rentrait, son mari la questionnait tendrement :

— Tu ne l’as toujours pas vu ?

— Non. Mais tout va bien là-bas. Sachons attendre.

Quand il avait tenté de connaître la cause du refus déconcertant, Blanche avait répondu d’un ton un peu évasif :

— Mon père est autoritaire… sans doute aurait-il souhaité un gendre choisi par lui.

Nérée n’admettait point cette explication ; mais, sentant combien ce sujet était pénible à sa femme, il s’était gardé d’insister. Il avait proposé plus d’une fois :

— Veux-tu que je tente quelque chose ? Je suis prêt à faire abstraction de tout amour-propre. Si ton père me jette à la porte, je m’assoirai dans l’escalier pour l’attendre.

Émue, Blanche entourait de ses bras la tête chérie :

— Non, mon Nérée, non. Tu n’es pas un homme qu’on jette à la porte, mais je ne supporterai pas l’idée qu’on te refuse l’accès de la maison. Patientons…