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Page:Prost - Le couple au jardin, 1947.pdf/93

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YVETTE PROST

le rubis brillait dans les verres et jusqu’aux sentiments qui s’exprimaient d’un ton sobre, avec un regard droit.

Diane était trop intelligente pour ne point sentir vivement ces nuances. Elle songeait : « Ces vieilles familles de chez nous, implantées dans le même coin de terre depuis deux cents ans, quelle richesse spirituelle, quelle réserve de forces ! »

Et, faisant un retour sur elle-même, sur sa vie sans foyer, sans traditions familiales, sans but fixe, sans espoir de se perpétuer en d’autres vies, elle sentait une fois de plus les tenailles ardentes de la jalousie lui tordre le cœur.

La conversation libre et gaie bondissait d’un sujet à l’autre. Nérée était en verve autant que sa femme était en beauté. À certaines de ses plaisanteries, son ancien camarade éclatait de rire et disait :

— Oh ! Galliane, comme je vous retrouve ! Je me sens vieilli alors que vous avez toujours vingt ans. Quelle jouvence peut bien vous maintenir si merveilleusement en forme ?

Et Nérée, souriant :

— Ma jouvence est à votre côté, mon ami.

L’aviateur, avec une fugitive mélancolie, regardait pensivement Blanche.

Mais ce ne fut qu’un rapide nuage : comment ne pas céder à l’action euphorique de ce dîner de gourmets arrosé de deux magnifiques vins de Porquerolles ?

Au moment du café, on déboucha un vieux flacon d’aigo-ardènt que l’officier apprécia en connaisseur. Son verre à mi-chemin entre la nappe et ses lèvres, il parcourut des yeux la salle claire au charme intime et murmura :

— Qu’on est bien ici ! Qu’il y fait bon vivre !