Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/117

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morte, l’inintelligence du vocable indiquant la mort de l’idée.

Religio, ou relligio, dont le radical lig reparaît dans p-lic-are, f-lec-tere, supp-lic-are, ployer, courber, et par dérivation, lier, est un vieux mot qui veut dire inclinaison du corps, révérence, courbette, génuflexion. On s’en servait exclusivement pour désigner l’hommage de l’homme à l’autorité divine. Les auteurs latins ne le prennent jamais dans un autre sens. La question méritant d’être éclaircie, je citerai quelques textes.

Relligio deorum est une expression courante, qui évidemment ne signifie pas l’association ou la république des dieux, dont les hommes ne s’inquiétaient guère, mais bien le respect des dieux, qui, pour les raisons que j’ai dites, leur importait beaucoup plus.

Quand le mot relligio est employé seul, le génitif deorum est toujours sous-entendu, comme dans ce vers :

Tantum relligio potuit suadere malorum !
Tant la religion put conseiller de crimes !

Le poëte parlant d’une guerre religieuse et des massacres qui l’accompagnèrent, il est clair que la religion ne se peut prendre pour le lien social ; il veut dire le fanatisme de la divinité.

Par la même raison, religio hominum, religion des hommes, ne se dit point, ne se rencontre nulle part : c’est une contradiction.

César, guerre des Gaules, lib. vi, n. 16, écrit : Natio est omnis Gallorum admodum dedita religionibus. « Toute la nation des Gaulois est excessivement adonnée aux religions. » Et comme exemple, il cite les sacrifices humains, dans lesquels le principe social n’a rien à faire.

Cicéron, Pro Cluentio, n. 194 : Mentes deorum possunt placari pietate, et religione, et precibus justis. « La colère des dieux peut être apaisée par la piété, la religion et