Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/132

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de la Louve, et compte dans ses rangs tout ce que les siècles postérieurs virent paraître d’âmes fortes et d’inflexibles caractères.

Mais, il faut le redire, quelque altière que fût cette institution, elle ne pouvait donner lieu à une véritable Justice, et la société antique ne tarda pas à s’en apercevoir. Au fond, malgré les belles sentences et les actes d’héroïsme dont les auteurs abondent, la morale des anciens, avec ses quatre divisions cardinales, Prudence, Justice, Force et Tempérance, est une morale d’individualisme, incapable de faire vivre une nation. Pendant quelques siècles, les sociétés formées par le polythéisme eurent des mœurs : elles n’eurent jamais de morale. Et l’absence d’une morale solidement établie en principes réagissant sur la pratique, les mœurs elles-mêmes finirent par disparaître. Ce n’était pas tout, vraiment, que d’inspirer à un Alcibiade et à un Lysandre, à un Coriolan et à un César, une haute opinion de leur dignité ; il eût fallu leur apprendre encore à déduire du même principe les règles de la Justice universelle : or, la société polythéiste n’en avait tiré que des lois d’exclusion et de privilége.

C’est ce qui résulte, non-seulement des faits trop bien constatés de l’histoire grecque et latine, mais encore de la réaction que souleva, parmi les philosophes et les hommes d’État, l’exagération odieuse de la personnalité.

X

Les nobles Doriens, conquérants du Péloponèse, avaient donné l’exemple du brigandage : ce fut justement parmi eux que naquit la répression. Lycurgue fit de Sparte une communauté.

Pythagore après lui, et Platon ensuite, font consister la perfection de la République en ce que personne n’ait rien à soi, ne s’appartienne même pas.