Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/135

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envers autrui, parce que l’injustice troublerait l’équilibre de son âme et l’enlaidirait à ses propres yeux ; le sage doit être juste, mais il n’a pas besoin d’aller au delà. »

« Les devoirs sont tous renfermés par Cicéron dans la Justice et l’honnêteté ; l’honnêteté est justement ce culte de soi-même, ce maintien de sa dignité propre, auquel l’antiquité attachait une importance si singulière. » (Les Césars, t. II, p. 431 et 432.)

Où, demanderai-je à M. de Champagny, les moralistes de l’antiquité avaient-ils pris leur doctrine, leur idéal ? Dans la tradition, sans doute. Donc si cette tradition engendra une morale d’égoïsme, c’est qu’elle avait eu son point de départ, dans des institutions favorables à l’exaltation de la personnalité. Platon, dans ses dialogues, critiquant la démocratie de son temps, ne cesse de préconiser les anciens. Or, qu’étaient-ils, ces anciens ? Des nobles, des aristocrates.

L’histoire entière de Rome et de la Grèce, depuis les temps fabuleux, est d’accord avec M. de Champagny : c’est l’histoire de la personnalité humaine, ou, comme rappelèrent les anciens, de l’héroïsme, de ses hauts faits, de ses fondations, puis, par la cause que j’ai rapportée, de sa corruption et de sa chute. La tyrannie est relativement moderne : elle est née de la démocratie insurgée partout, vers le vie siècle avant Jésus-Christ, contre l’esprit nobiliaire. Elle s’affaiblit bientôt, à la suite de la grande guerre médique ; après quoi les excès de la démagogie poussèrent de nouveau les esprits vers un système d’autorité concentrée et amenèrent la domination macédonienne.

La même chose arriva pour l’Italie. À l’antique patriciat, dont le type héroïque est Coriolan, succéda une démagogie écrasante, qui se résolut presque aussitôt en empire. Il est même à remarquer que le nom d’imperator