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le principe de la Justice, l’origine du mal, la rédemption, la sanctification et la fin de l’homme.

Il fallait donc, comme je l’ai dit plus haut (pages 133 et suiv.), que ce Dieu fût sujet de la Justice ou Verbe ; de plus, qu’il fût rédempteur ou victime, par conséquent qu’il fût homme.

Il était d’autant plus nécessaire que ce Dieu fût homme, un être vivant, personnel, aimant, souffrant, visible, palpable, qu’en tout état de cause la religion exige pour sa propre réalité que l’Être divin sorte de l’abstraction, qu’il se réalise, se personnifie, se produise, s’incarne en une manifestation accessible à toutes nos facultés (p. 111 et suiv.).

Les peuples avaient cru à Jupiter, à Vénus, à Apollon, à Sérapis, à Mithra : ils se seraient crus athées, s’ils s’étaient vus réduits à un dieu métaphysique, comme le Νοὗς d’Anaxagore. Le déisme, dit fort bien Bossuet, supportable comme hypothèse de philosophie, dans la pratique est un athéisme déguisé.

La divinité du Christ, en un mot, était la condition sine quâ non de l’existence du christianisme.

Avec Arius, le Christ redevenait un homme, un prophète, un révélateur de la famille de Moïse, de Zoroastre, d’Orphée. On demandait le Dieu.

Ce Dieu, le concile le donna : il fit en cela acte de haute politique, de haute intelligence, et d’un vrai sens religieux. L’ignorance reprochée aux évêques du parti orthodoxe fut ici plus savante, plus logique, plus loyale, elle fit preuve de plus de génie qu’Arius et toute sa bande.

La décision de Nicée fut la conclusion légitime de l’élaboration gnostique qui, dès longtemps avant l’apparition du Messie, agitait le problème de sa divinité. Plus on remontait dans la tradition, observait Arius, plus on voyait faiblir cette opinion ; et il tirait de cet affaiblissement ré-