Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/173

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est trois fois sainte ; et la postérité n’oubliera pas que le plus grand crime de Carrier, aux yeux des terroristes, fut d’avoir déshonoré le supplice. L’Église n’a pas reculé même devant l’extermination par le fer et par le feu : c’est à son esprit de répression pénitentiaire et de sainte vengeance, plus qu’à sa politique, qu’il faut attribuer ses croisades contre des populations qui n’avaient d’autre tort que de réclamer une morale, et auxquelles elle répondait par les flammes d’Alby, les massacres des Alpes et de l’Apennin, les assassinats de la Saint-Barthélemy.

XXV

Convenons cependant d’une chose.

La pénitencerie chrétienne n’est plus guère aujourd’hui qu’une symbolique qui ne gêne en rien le bien-être et le luxe, et l’humilité une vertu fictive, qu’on se rappelle en présence de Dieu, jamais bien entendu en présence de l’homme. Pour deux sous, une fois payés, on se rachète à Paris de tout le jeûne du carême : la belle pénitence que de dîner une fois l’an, le vendredi saint, avec des lentilles à l’huile et un œuf sur le plat ! La belle humilité de s’agenouiller dans un cabinet, sur un prie-Dieu de velours, le corps vêtu de soie, la couronne ducale à côté sur un tabouret !… Les jésuites ont rendu depuis longtemps la dévotion aisée ; les joies de la vie ne sont plus défendues ; on a remplacé la pénitence effective par la pénitence en esprit ; et il est permis aux riches de goûter les plaisirs de ce monde sans préjudice de la félicité de l’autre, pourvu qu’ils gardent dans le cœur la foi, le détachement, la pénitence et l’humilité. Dans le cœur ! ce n’est pas lourd. Dieu a-t-il donc besoin de nos macérations et disciplines ? Non, pas plus que de nos libations et de nos sacrifices. Numquid manducabo carnes taurorum, aut sanguinem hircorum potabo ? Le sacerdoce sait