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XXIX

Après un traitement de dix-huit siècles, le christianisme avait laissé la société dans un état aussi déplorable que celui où il l’avait prise ; on peut même dire que la situation s’était aggravée de tout ce que l’impuissance religieuse prêtait de ténacité au désordre. Ce que le Christ n’a pu faire, quel homme oserait l’entreprendre ?

________________Si Pergama dextrâ
Defendi possent, etiam hâc defensa fuissent.

Il faut que la conscience humaine soit robuste, vous l’avouerez, pour résister à une si longue déception. Dix-huit siècles, après les vingt du polythéisme gréco-latin, et les cinquante ou soixante des Égyptiens et des Mages !…

Ce n’est pas l’humanité qui a manqué à la foi, se dit la Révolution ; c’est la foi qui a manqué à l’humanité. Cessons d’attribuer plus longtemps à une cause interne l’immoralité qui nous tue : cette cause est autre que nous, elle est accidentelle et externe. Cessons pareillement d’attendre d’une sagesse surhumaine la lumière que notre gouverne réclame : l’homme et la société ne sont pas plus difficiles à pénétrer que la nature.

Et la voilà qui d’emblée met le vice et le crime sur le compte de l’ignorance, de la superstition, de la misère, de la mauvaise économie, des mauvais gouvernements, et qui appelle de la révélation à la Raison.

« Considérant, dit la déclaration du 3 septembre 1791, que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, etc. »

Les déclarations du 24 juin 1793 et de 1848 répètent la même chose. Celles de juillet-août 1789, 15 et 16 février 1793, 5 fructidor an III (26 août 1795) renferment implicitement les mêmes idées. Quant aux constitutions du