Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/182

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Cela même, direz-vous, est de l’athéisme. — Entendons-nous. La Révolution, en écartant avec le péché originel l’hypothèse de Dieu, ne la nie pas en elle-même : interprète du droit social et de la raison scientifique, elle ne se croit pas qualité suffisante pour nier ou affirmer ce qui dépasse la raison et l’expérience. Restant dans la sphère des manifestations humaines, elle se borne à dire que l’idée de Dieu est étrangère à la morale humaine, qu’elle est même nuisible à la morale ; non que Dieu soit mauvais en soi, qu’y a-t-il de mauvais en soi ? mais parce que son intervention dans les affaires de l’humanité n’y produit que du mal, par les conséquences, les abus, les superstitions et le relâchement qu’elle entraîne.

La Révolution était trop sage pour toucher à des idées de cette espèce. Elle savait qu’avant elle tous les fondateurs et réformateurs de sociétés s’étaient attachés, dans l’intérêt de la morale, à épurer l’idée divine. Tel est le Dieu, disait-on, telle sera la société. N’est-ce pas ce que font encore aujourd’hui les religionnaires dissidents, qui, jugeant le Dieu Christ au-dessous de l’époque actuelle, poursuivent une détermination théologique plus en rapport avec la susceptibilité de leur raison et l’étendue de leurs lumières ? La Révolution avait observé au contraire que la qualité ou perfection du sujet divin est chose à peu près insignifiante ; qu’il peut être indifféremment ange, homme, étoile ou phallus, pourvu qu’il obtienne le respect ; que c’est par le respect ou la religion qu’il inspire qu’il exerce son action sur la morale ; et c’est contre la religion en tant qu’élément de moralité que la Révolution se prononçait.

En résumé, la Révolution a positivement entendu affranchir la morale de tout mélange mystique : par là elle s’est radicalement séparée, non-seulement du christianisme, mais de toute religion, passée, présente et à venir.