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de la Justice, n’en est pas le principe. Elle reste dans l’idée pure, elle n’atteint pas au réel.


M. de Lourdoueix, adversaire de M. de Girardin, donne à son tour la définition suivante : Le Droit est la ligne la plus courte qui va de la raison de Dieu à la raison de l’homme. Formule imitée de Cicéron : La première loi est la droite raison de Dieu. Ce qui se réduit à dire, en écartant l’image de la ligne droite et la mention de l’Être suprême, que le Droit est la droite raison, ou, en autres termes, que raisonner c’est le Droit, comme l’avait avancé M. de Girardin. Mais il était écrit, dans la raison divine sans doute, que ces deux messieurs, bataillant devant le public, ne pouvaient ni ne devaient s’entendre.

XXXVI

Résumons en quelques lignes toute cette étude.

Le point de départ de la Justice est le sentiment de la dignité personnelle.

Devant le semblable ce sentiment se généralise et devient le sentiment de la dignité humaine, qu’il est de la nature de l’être raisonnable d’éprouver en la personne d’autrui, ami ou ennemi, comme dans la sienne propre.

C’est par là que la Justice se distingue de l’amour et de tous les sentiments d’affection, qu’elle est gratuite, antithèse de l’égoïsme, et qu’elle exerce sur nous une contrainte qui prime tous les autres sentiments.

C’est pour cela aussi que chez l’homme primitif, en qui la dignité est brutale et la personnalité absorbante, la Justice prend la forme d’un commandement surnaturel et s’appuie sur la religion.

Mais bientôt, sous l’influence de cet auxiliaire, la Justice se détériore ; contrairement à sa formule, elle devient aristocratique, et arrive dans le christianisme jusqu’à la dégradation de l’humanité. Le respect prétendu de Dieu bannit de partout le respect de l’homme ; et, le respect de