Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/22

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la haute sagesse, la raison infaillible de la multitude ? Et si vous abandonnez la multitude ; si après l’avoir fait voter, vaille que vaille, en lui conduisant l’œil et la main, vous la remettez en tutelle, qu’est-ce que votre démocratie ?

La démocratie, depuis qu’elle est devenue une puissance, une mode, a épousé successivement toutes les idées les plus contraires à sa nature. Fidèle, avant tout, au principe religieux, mais sentant, là comme ailleurs, le besoin d’innover, elle s’est faite tour à tour paléo-chrétienne et néo-chrétienne, protestante, déiste, panthéiste, métempsycosiste, druidique, magique, mystique, fanatique, de tout bois et de toute farine. En économie, elle est tout ce qu’on voudra, communiste et féodaliste, anarchique, monopoliste, philanthrope, libre échangiste, anti-égalitaire ; — en politique, gouvernementale, dictatoriale, impériale, centralisatrice, absolutiste, chauvinique, machiavélique, doctrinaire, dédaigneuse du droit, ennemie jurée de toute liberté locale et individuelle ; — en philosophie et littérature, après avoir renié Voltaire et les classiques, Condillac, Diderot, Volney, tous les Pères et les Docteurs de la Révolution, elle s’est faite transcendantaliste, éclectique, apriorique, fataliste, sentimentaliste, idéaliste, romantique, gothique, fantaisiste, bavarde et bohème. Elle a pris tous les systèmes, toutes les utopies, toutes les charlataneries, n’ayant su rien découvrir dans la Pensée qui l’avait produite.

Arrive février 1848. La démocratie se trouve sans génie, sans vertu, sans souffle : dites-moi pourquoi ?

Empire. — On l’a dit à satiété, on ne l’a que trop