Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/228

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Dans l’état de société civile, il y a une inégalité prodigieuse entre les conditions : ce qui est luxe, superfluité, excès dans les unes ne l’est pas dans les autres ; ce qui serait dangereux dans la jeunesse peut ne plus l’être dans l’âge mûr ; les divers degrés de connaissance ou de stupidité, de force ou de faiblesse, de tentation ou de secours, mettent une grande différence dans l’étendue des devoirs et dans la grièveté des fautes. Comment donner à tous une règle uniforme, prescrire à tous la même mesure de vertu et de perfection ? Les lumières de la raison sont trop bornées pour fixer avec la dernière précision les devoirs de la loi naturelle ; et les connaissances acquises par la révélation ne nous mettent pas en état de voir avec plus de justesse les obligations imposées par les lois positives. »

Les lumières de la raison, répondrai-je à Bergier, ne sont pas du ressort de la théologie. Ce n’est pas à la théologie d’assigner la limite de la science ; bien moins encore a-t-elle le droit, dans son impuissance, de récriminer contre sa rivale. Que la théologie se borne donc à parler pour elle-même ; et puisqu’elle avoue que les connaissances acquises par la révélation ne nous mettent pas en état de connaître nos droits et nos devoirs, qu’elle nous dise alors ce qu’elle prétend faire. Car il appert que la société ne peut exister sans mœurs et sans lois : or, la révélation ne nous apprenant rien, la raison suivant l’Église ne nous éclairant pas davantage, en quel état allons-nous nous trouver ?

Écoutons le théologien :

« C’est pour cela qu’il faut dans l’Église une Autorité toujours subsistante, pour établir la discipline convenable aux temps et aux lieux. »

Nous y voilà. À la place des principes, l’Autorité ; en guise de Justice, la discipline ; pour équilibrer un système que la grâce elle-même est impuissante à soutenir, le discernement du prêtre : c’est le dernier mot de la re-