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XII

Pendant que l’Église, alliée du pouvoir séculier pour la défense du droit profane, sévissait contre la portion la plus fervente et la plus malheureuse de son troupeau, elle poursuivait d’un autre côté son œuvre d’envahissement.

Les communautés primitives et les agapes n’ayant pas obtenu le succès qu’on avait espéré, la vie parfaite, cette vie toute de contemplation et d’idéal à laquelle tendaient les chrétiens, chercha à s’établir dans un autre milieu. Comme on la jugeait incompatible avec les occupations du siècle, on se réfugia dans la solitude : la persécution prolongée de Dioclétien détermina ce mouvement. Paul, Antoine, Hilarion, remplirent les déserts de la Thébaïde du bruit de leur sainteté et de leurs miracles. De nombreux imitateurs se joignirent à eux ; Pacôme, le premier qui donna à ses disciples un règlement, réunit sous sa direction jusqu’à cinq mille moines. Le quatrième siècle fut l’âge d’or du monachisme. Les histoires qu’en répandirent Athanase, Rufin, Jérôme, Théodore, et tous les pèlerins qui les visitèrent, enflammèrent l’Occident d’une religieuse émulation. Des groupes de cénobites commencèrent à se former, sur le modèle de ceux d’Égypte : Martin, dans les Gaules ; Gassien, à Marseille ; Honorat, à Lérins, en furent les principaux initiateurs. Cassiodore, Colomban, Benoît Biscop, suivirent de près. Le plus célèbre de tous fut Benoît, fondateur du Mont-Cassin, véritable père du système conventuel, qui faillit engloutir l’humanité.

En principe, le but de la vie parfaite était de jouir de Dieu. Pour arriver à ce but, le moyen était de vivre seul, c’est-à-dire dégagé de toute affection, de tout attachement, de tout intérêt, de toute affaire. Pour conquérir la solitude, il faut se contenter de peu, et se suffire à soi--