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la pioche ; ils se livrent à la copie des manuscrits et à d’autres menues fonctions littéraires ; ils finiront par rien faire et s’engraisser, comme dit Boileau, d’une longue et sainte oisiveté.

Mais le temps est encore loin. En 1221, un siècle environ après l’importante modification introduite par Jean Gualbert, François d’Assise, dont les merveilles devaient éclipser celles du prophète Élie, mit la dernière main à l’œuvre en instituant, sous le nom de Frères mineurs, une congrégation nouvelle, composée d’hommes et de femmes mariés. Les constitutions de ces couples-moines furent approuvées 68 ans après par le pape Nicolas IV : c’est ce qu’on nomma le Tiers-ordre de Saint-François.

Maintenant l’Église peut se recruter par elle-même ; la chrétienté est au complet. Le peuple donna à ces franciscains laïques et mariés les noms de petits frères, fratricelles, frérots, béguins ou beggards, picards et turlupins. Au quinzième siècle, François de Paule enchérit encore sur François d’Assise en instituant les Minimes, surnommés Bons hommes, comme l’avaient été longtemps auparavant les Albigeois et autres dévots rigides. Ce fut le point culminant de la puissance ecclésiastique et le suprême effort de sa discipline. Le diable, qui se retrouve également là où il y a des femmes et là où il n’y en a pas, vint déranger ce plan magnifique. L’introduction du mariage dans la vie cénobitique ramena, avec l’idée de propriété, les rêveries des gnostiques du deuxième et du troisième siècle. En 1254 paraît l’Évangile éternel ; un schisme éclate ; le Tiers-ordre de Saint-François tombe sous l’animadversion populaire ; seize ans plus tard la publication des établissements de Louis IX achève la victoire de la société laïque et libre sur l’utopie monacale. Quant aux établissements unisexuels, l’impudicité, la paresse et l’ignorance y devinrent telles, que trois siècles