Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/248

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C’est qu’en 1789, en attaquant la féodalité, on ne faisait la guerre ni aux personnes, ni aux familles, ni aux souvenirs, ni à une classe de citoyens, mais à un principe. C’est au système, à l’idée, qu’on en voulait ; c’est le principe qui fut directement et nominativement démoli ; et comme on ne démolit un principe qu’avec des principes, la féodalité disparut pour toujours dans le déluge des idées révolutionnaires.

Il n’en fut pas de même pour l’Église.

Lorsque la même assemblée Constituante s’empara des biens ecclésiastiques, donnant au clergé une constitution civile, assignant aux prêtres un traitement sur le budget, supprimant les couvents, abolissant les vœux monastiques, etc., elle crut sans doute avoir extirpé du sein de la nation cette propriété insociale. Mais elle ne touchait pas à l’idée, elle respectait le principe, bref elle faisait elle-même profession de religion ; et tôt ou tard l’idée religieuse, sauvée du naufrage de 93 par les Robespierre, les Grégoire, les Laréveillère Lépeaux, les Bonaparte, remise à la mode par les Bernardin de Saint-Pierre, les Chateaubriand, les de Maistre, les de Bonald, les Lamennais, les Lamartine et toute l’école romantique, l’idée religieuse, dis-je, devait reparaître dans son organisme matériel, l’âme reprendre son corps, l’Église reformer ses domaines.

L’Église veut ravoir ses propriétés, et, l’interdit qui depuis 1789 pesait sur elle étant levé, la réaction de l’époque laissant faire, elle les raura. La terre est à Jéhovah, dit l’Écriture ; ce que l’Évangile traduit ainsi : Heureux les pieux, hassidim, c’est-à-dire les moines, parce qu’ils posséderont la terre ! L’heure est venue pour l’Église de recueillir le fruit de la promesse, et elle se met à l’œuvre avec un courage, une certitude du succès, qui témoigne des bonnes dispositions du siècle, pour ne pas