Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/273

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sans emprunter rien à l’hypothèse religieuse, lui étant même diamétralement opposé, me paraît satisfaire tout à la fois la Justice de l’homme et la raison des choses.

Écoutons d’abord mon biographe. Mon biographe, Monseigneur, j’ai le droit de dire que c’est vous.

« La détresse de la famille augmentait de jour en jour, et Pierre-Joseph, au lieu de puiser au logis des principes de résignation et de patience, n’y trouvait que l’amertume de la plainte, le blasphème et le désespoir sombre. La parole du Christ n’avait point d’écho dans cette maison désolée. Au lieu de regarder le ciel on regardait la terre… On y voyait des riches… Proudhon mangea le pain de l’envie. »

Pour obtenir ces détails d’intérieur, dont la date remonterait à trente-cinq ou quarante ans, il faut, que vous ayez établi une enquête, et interrogé tous les vieux dévots de la paroisse. Mais passons.

Le pain de l’envie ! Ceci n’est pas tout à fait exact. Et si habile que votre doctrine d’inégalité vous ait fait à préjuger les sentiments du pauvre et ses secrets murmures, j’ose dire, Monseigneur, que l’expérience vous en aurait encore appris davantage. Laissez-moi vous renseigner au juste sur ce qui se passe dans la cervelle d’un enfant pauvre, lorsque par hasard il est de force à raisonner sur sa pauvreté.

J’ai été baptisé dans l’Église catholique, puis, et dans une large mesure, élevé par elle. Le point de départ de mon éducation, sur le sujet qui nous occupe, a donc été la distinction des classes, en autres termes l’inégale répartition de la richesse. Principe malsain, dont l’influence entraîne à la perdition des milliers d’âmes, et que l’Église devrait poursuivre à l’égal de l’idolâtrie et de l’hérésie.

Le premier sentiment que m’inspira le spectacle de mon infériorité relative fut la honte. Je rougissais de ma