Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/395

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niquera dans la même proportion au gouvernemental. En sorte que, comme l’ordre économique se trouve, par l’inégalité qu’il consacre et développe, placé hors du droit, l’ordre politique, institué pour sa défense, sera fatalement conduit à s’affranchir aussi du droit.

Ainsi, à mesure que l’inégalité se creuse entre les citoyens et rend la société chancelante, le gouvernement, forcé d’user de plus en plus de la force, tourne au despotisme, à la tyrannie, et se démoralise. Par sa violence, il perd l’appui que lui prêtait autrefois la société ; par la nécessité de se défendre, il se concentre, il déforme sa propre constitution, il rétrécit de plus en plus sa base, jusqu’à ce qu’enfin n’étant plus arc-bouté ni par la société qui se retire, ni par la division de ses parties, il perd l’équilibre et tombe.

Que des historiens, plus poëtes que philosophes, accusent après cela de la décadence des empires la corruption des mœurs, l’ambition des grands, les passions de la multitude, l’affaiblissement de la religion, etc., il est clair que ces explications n’atteignent pas la cause première, elles ne sont qu’une analyse du phénomène.

Aussi longtemps donc que la balance économique n’a pas été établie, le problème du gouvernement se pose en ces termes, qui font de son existence une impossibilité :

« Étant donnée une nation, avec son territoire, son industrie, ses intérêts, sa religion, ses mœurs, ses relations, ses instincts, son génie ; l’inégalité des fortunes et la subordination des rangs étant tout à la fois la condition d’existence de la société et la cause de ses agitations : organiser au sein de cette société, avec ses hommes et ses ressources, une force publique devant laquelle tout intérêt s’efface, toute volonté plie, toute résistance se brise ; puis, au moyen de cette force, discipliner et conduire la nation, la maintenir dans l’obéissance le plus