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la prudence des législateurs s’est de tout temps et à bon droit occupée ; la politique deviendra la première et la plus grande division de la Justice.

En deux mots, le gouvernement, incarnation du sujet social, organe de la Justice, ne peut se passer de formes ; et ces formes sont le signe et le gage de sa moralité.

Mais le gouvernement, assis sur le privilége, répugne aux formes juridiques que lui assigne la conscience des nations ; et c’est ce qui fait que le retour du gouvernement à l’inorganisme, au despotisme, est le symptôme le plus certain de la décadence des sociétés et le prélude de leur ruine.

Quant au choix à faire entre ces formes, dont plusieurs sont opposées, mais pourtant ne s’excluent pas, et à leur organisation, il est à peine besoin de rappeler que le système doit résulter de la constitution physique de chaque pays et être le produit du temps : tous les auteurs sur ce point sont unanimes.

D. Le privilége est, suivant l’étymologie du mot, une préférence légale. D’après cette définition, nombre de priviléges semblent conformes à la Justice, partant respectables : tel est, par exemple, le privilége d’exploitation accordé pour un certain temps aux inventeurs. Cependant, nous voyons l’opinion attaquer incessamment le privilége et en faire un grief contre le gouvernement. Qu’est-ce donc qui distingue le privilége licite du privilége illicite ? Où finit le droit ? où commence l’abus ?

R. Dans la langue politique, on entend par privilége une dérogation à la Justice, faite par raison d’État, et en vue de soutenir l’inégalité sociale.

L’exemple cité des brevets d’invention servira à nous faire comprendre.

Tout service, toute découverte, peut être assimilée à un produit d’une espèce particulière, dont une concession de terres, un privilége d’exploitation, est le prix. La ques-