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lesquels le suffrage universel est présenté comme d’institution divine, de droit apostolique, canonique, civil et naturel : moyennant quoi on admet, sans plus de difficulté, la hiérarchie ecclésiastique, l’orthodoxie et son exégèse.

De bonne foi, est-ce ainsi que l’on doit juger la politique d’une église ? Qu’importe ce qu’ont dit, balbutié les premiers chrétiens ? Il s’agit du mouvement de l’idée, et l’on nous parle du point de départ de cette idée, de la thèse ! Que devait devenir l’Église, et qu’est-elle devenue, en vertu de son principe et de sa religiosité ? voilà ce que nous avons à voir. Question de tendance, par conséquent, et non pas question d’origine.

Or, ce que la société chrétienne tendait à devenir, quant à l’ordre politique, je m’en vais vous le dire.

D’abord, selon les néo-chrétiens comme d’après les ultramontains, tout pouvoir, démocratique ou monarchique, est de droit divin. M. l’abbé Lenoir, dont les allures démocratiques semblent faire de lui un néo-chrétien, le dit en fort bons termes :

« Le peuple est le vrai souverain, immédiatement établi de Dieu. Le suffrage universel est le moyen par lequel ce médiateur collectif fait connaître la volonté divine. C’est ce que l’abbé Lacordaire disait un jour par ces mots : Dieu a dit aux nations : Allez et gouvernez-vous. » (Dictionnaire des Harmonies de la Foi et de la Raison, p. 1539.)


Ainsi, d’après la démocratie catholique et néo-chrétienne, le peuple, médiateur collectif, ne parle point de son autorité propre et d’après une Justice immanente ; il ne fait que rendre, comme la Sibylle, les oracles de la divinité. Sa loi, qui est sa religion, est supérieure à lui ; sa conscience, comme son entendement, y est soumise.

Or, dès que l’idée du divin pénètre quelque part, la Justice en sort. Que dit au peuple sa religion ?

J’ai montré dans le chapitre précédent que la religion,