Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/423

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Le gouvernement chrétien, en effet, non moins antipathique à l’organisation que le gouvernement païen, sans distinction de pouvoirs, sans discussion parlementaire, sans contrôle, sans garanties, élevé au-dessus de la Justice, a pourtant sa moralité. Il est moral comme le gouvernement d’une armée en campagne est moral, comme le régime pénitentiaire est moral, comme le bagne est moral, comme toute discipline est morale. Sans doute le droit souffre plus d’une atteinte ; mais, la fin de la société n’étant pas, sur la terre que nous habitons, le droit, ce qui serait le souverain bien, la fin des fins, la fin suprême, cette fin étant l’expiation, par laquelle seule nous pouvons conquérir, pour une autre vie, la Justice ou Béatitude, la moralité du gouvernement est sauvée si cette fin préparatoire est obtenue, et nous savons qu’elle ne peut l’être que par la discipline.

L’inégalité des conditions s’explique et se motive de la même manière. De même que, d’après le décret de prédestination, l’objet des complaisances spirituelles et temporelles du Très-Haut n’est pas nécessairement l’homme le plus habile, le plus courageux, le plus beau, celui que la sagesse humaine jugerait, en raison de ses facultés, le plus digne, mais celui qu’il a plu à Dieu de choisir ; ainsi, dans le gouvernement chrétien, le plus favorisé n’est pas toujours, il s’en faut, le mieux méritant, mais celui que l’autorité religieuse, assistée du Saint-Esprit, a désigné. Il est entendu d’ailleurs que le choix de l’Église se porte de préférence sur les sujets en qui apparaissent les signes de prédestination, tels que la noblesse, la fortune, la piété, l’obéissance, et toutes les vertus chrétiennes, d’après ce précepte connu, qu’à celui qui a plus il sera donné davantage : Qui enim habet, dabitur ei ; et qui non habet, etiam quod habet auferetur ab eo.