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ses générations : la question est posée entre la Justice selon la Foi, et la Justice selon la Liberté. Il s’agit de savoir si l’homme, prenant enfin possession de lui-même, peut, par le seul effort de sa conscience, s’avancer dans la vertu ; ou s’il est condamné par l’infirmité de sa nature à demeurer éternellement impur, capable seulement de Justice, alors qu’il est visité par la langue de feu de l’Esprit saint.

Pour moi, toujours ménager de la dignité des autres alors même que la mienne est attachée au pilori ; respectant dans la religion la conscience naïve du peuple, dans le prêtre le ministre de cette conscience, je ne viens point, à cette heure solennelle, afficher une impiété hors de saison, conspuer des symboles vénérés, souffleter les oints du Très-Haut. Celui-là peut fermer mon livre, qui y chercherait un passe-temps sacrilége. Je cherche les lois du juste, du bien et du vrai : ce n’est qu’à ce titre que je me permets d’interroger la religion.

La religion ! elle appartient à l’humanité, elle est le fruit de ses entrailles. À qui serait-elle méprisable ? Honorons en toute foi religieuse, en toute Église reconnue ou non reconnue par l’État, honorons jusque dans le Dieu qu’elle adore la conscience humaine ; gardons la charité, la paix, avec les personnes à qui cette foi est chère. C’est notre devoir, et je n’y manquerai pas. Mais, la piété publique satisfaite, le système de la théologie appartient à ma critique : la loi de l’État me l’abandonne.

Que chacun lise cet écrit, comme il a été écrit, avec le calme que commande la vérité. Il y va de notre vie morale, de notre salut éternel, comme dit l’Église : et jamais question plus haute ne fut soulevée parmi les hommes.