Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/79

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ce fait de nature, qu’il plut un jour à la rhétorique de Rousseau de nier.

De la sociabilité de l’homme se déduit, comme conséquence nécessaire, la subordination de l’individu au groupe, soit la Justice.

De même que le tout est plus grand que la partie, le corps plus précieux que le membre ; de même la société est supérieure à l’individu, et sa prérogative, à peine de mort pour les individualités elles-mêmes, doit passer la première.

Pour assurer la prérogative sociale, hors de laquelle l’intérêt de chacun est compromis, il faut donc que chaque membre de la société soit prêt, à première réquisition, à sacrifier son intérêt le plus immédiat et le plus considérable à l’intérêt général, qui dans une foule de cas sera son intérêt le plus mince ; par conséquent que dans toutes ses actions il ait en vue la société, qu’il en prenne les mœurs, qu’il devienne pour ainsi dire une incarnation de la Justice, ce qui entraîne la négation de sa propre personnalité et semble une contradiction.

La subordination de l’individu au groupe s’observe chez tous les animaux associés, en qui elle apparaît comme la conséquence du principe physiologique qui, dans tout organisme, subordonne chaque faculté à la destinée générale. Ainsi parmi les abeilles tout est organisé en vue de la communauté. Il n’y a qu’une seule femelle, servie par sept ou huit mâles, qui sont tués dès que la ponte les a rendus inutiles. Les ouvrières n’ont pas de sexe. Tout leur amour, leur intelligence, leur bonheur, toute leur âme est dans la ruche, hors de laquelle elles périssent, comme des créatures sans raison d’existence, des corps dont la vie s’est retirée.

La nature, en faisant tous les hommes, sinon égaux, du moins à très-peu près équivalents (Études III et VI) ;