Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/210

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qu’une pareille conversion eût lieu, il ne réussit pas mieux que la Convention : il n’y eut jamais moins d’égalité que parmi les frères en Jésus-Christ.

En principe, le baptême avait tranché la question de l’esclavage quant à ce qui touche la coercition de l’homme par l’homme ; mais restait à vaincre la fatalité du travail, à faire la balance du salaire, à organiser l’atelier : triple problème, que le dogme chrétien, de même que le dogme païen et mosaïque, préjugeait insoluble, ce qui ramenait fatalement la servitude.

Plus on approfondit la situation, plus on découvre que le christianisme, sur cette formidable question du travail, comme sur toutes les autres, était condamné à l’impuissance.

Le Travail, selon le dogme antique, était réputé afflictif et infamant : le christianisme essaierait-il d’en répartir le fardeau et la honte ? C’eût été admettre dans l’homme un droit antérieur à la chute, supérieur à la rédemption, entraînant dans l’application tout un système de rapports incompatibles avec la discipline épiscopale et l’autocratie de César. C’était impossible. « Le Travail, dit M. Saint-Bonnet, est non-seulement une peine, c’est encore un frein. » M. Guizot ne l’entend pas non plus autrement. Or, on use du frein proportionnellement à l’indocilité de l’animal : la répartition égalitaire ne peut ici s’admettre.

Le Travail soulevait la question de propriété : le christianisme procéderait-il au partage des terres ? ferait-il une loi agraire ? C’eût été nier la prédestination, la Providence, la distinction des riches et des pauvres, finalement la chute originelle. M. Blanc Saint-Bonnet ajoute une autre raison : La propriété, c’est-à-dire la propriété féodale, la grande propriété, est le réservoir du capital. Distribuez la propriété, la source des capitaux est tarie. Impossible.