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vie morale, alors qu’il prend si peu de souci de ma vie organique : qu’en peut-il résulter pour ma moralité ? Car enfin ce n’est pas du profit que Dieu peut tirer pour lui-même de ma vertu qu’il s’agit ici, mais de ma propre perfection ; ce n’est que pour mon bien, à moi, que Dieu, joignant son commandement à celui de ma conscience, me prescrit d’être sage. Cela étant, je demande ce que mon obéissance ajoutera à ma valeur ? Rien du tout. En face de Dieu, je suis comme le vassal vis-à-vis de son suzerain. Tant que je paye le tribut, je reste pour cette Majesté une créature soumise, un bon serviteur si l’on veut ; je ne deviens un sujet moral qu’autant que, par une volontaire adhésion, je me respecte moi-même dans sa loi : ce qui constitue entre la religion et la morale une différence irréductible, que nous verrons bientôt se changer en un véritable antagonisme.

Il en est de l’assentiment du cœur comme de l’adhésion de l’esprit. De même que ce n’est pas par ma foi à la parole révélée que je fais acte d’intelligence, mais par le jugement que je porte sur cette révélation ; de même ce n’est pas non plus par ma piété envers le ciel que je fais acte de sens moral, mais par ma libre vertu. Ôtez cette liberté de ma conscience et de ma raison, je ne suis plus qu’un esclave, un animal plus ou moins docile, mais dénué de moralité, indigne par conséquent de l’estime de son maître.

Je pourrais appuyer cette analogie d’une multitude de textes empruntés à la théologie et à la Bible. Saint Paul veut que notre obéissance soit raisonnée, rationabile sit obsequium vestrum ; il répudie la foi servile. Et le psalmiste nous recommande de méditer sans cesse la loi de Dieu. Comment donc ne pas conclure, à pari, de cette prémisse que l’obéissance à la loi n’étant méritoire qu’autant qu’elle est libre et que la loi est avouée par la con-