Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/241

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doit être de l’industrie, mère des sciences, comme des sciences elles-mêmes ; que son enseignement doit être donné au complet, suivant une méthode qui en embrasse tout le cercle, de sorte que le choix du métier ou de la spécialité arrive pour l’ouvrier, comme pour le polytechnicien, après l’achèvement du cours complet d’études ?

Certes, l’industrie réclame de l’élève plus de temps que la grammaire, l’arithmétique, la géométrie, la physique même : car l’ouvrier n’a pas seulement à exercer son intelligence et à meubler sa mémoire ; il faut qu’il exécute de la main ce que sa tête a compris : c’est une éducation tout à la fois des organes et de l’entendement.

Mais il est clair que l’industrie, non plus que les sciences, ne peut être morcelée sans périr : l’homme dont le génie circonscrit dans une profession ne sait rien des autres est comme celui qui, ayant appris à signer son nom par l’initiale, ne sait rien du reste de l’alphabet.

Tout d’ensemble ou rien : c’est la loi du travail comme du savoir. L’industrie est la forme concrète de cette philosophie positive qu’il s’agit aujourd’hui de verser dans les âmes à la place des croyances éteintes, philosophie qu’a prophétisée et invoquée, il y a un siècle, le plus vaste génie des temps modernes, le père et l’hiérophante de l’Encyclopédie, Diderot.

Ici, je le répète, point de milieu : ou nous reviendrons au régime des castes, auquel nous pousse de toutes ses forces un spiritualisme imbécile ; ou la Révolution aura gain de cause sur ce point comme sur les autres. On ne scinde pas l’idée de la Révolution, on n’en élague pas le système, pas plus qu’on ne peut scinder le dogme de l’Église, prendre une partie de sa théodicée et rejeter le reste.