Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/320

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faire la déduction des choses en soi, de ces choses qui dépassent, le phénomène et ne relèvent que de l’idée pure, absolument comme de faits observés et toujours observables la science déduit ou induit une loi. Sous ce rapport, la théologie chrétienne est tout aussi rationnelle que pas une philosophie ; j’ose même dire que jamais système philosophique, ni celui de Spinoza, ni celui de Hégel, n’approcha de la rigueur de ses déductions.

À quoi bon ressasser contre l’Église une équivoque qui ne prouve que la mauvaise foi des prétendus rationalistes, et ne peut tromper que les personnes étrangères à la spéculation philosophique ?

Dans cette sphère du transcendantal et de l’absolu, dont toute science qui se respecte s’exile, la théologie chrétienne, cultivée pendant dix-huit siècles, héritière de toute la métaphysique et de toutes les théologies antérieures, professée par les plus beaux génies qui aient paru en ce genre, raisonne aussi juste ou plus juste que la philosophie soi-disant rationaliste, née d’hier, et qui n’a pas même encore acquis la conscience de son identité avec la religion ; elle a même sur cette philosophie un immense avantage, qui est d’appuyer sa déduction métaphysique d’une sorte d’expérience, qui manque complètement aux rationalistes.

Que les nouveaux mystiques s’inclinent ici devant leur maîtresse et leur mère.

Plus sage, en effet, que ses impertinents contrefacteurs, l’Église n’a jamais prétendu, comme Fichte, Hégel, aller de l’inconnu au connu, de l’en soi des choses à leur phénoménalité ; expliquer l’observable par l’invisible, l’ordre de la nature par celui de la Providence, l’histoire par la théodicée, et, au rebours de l’oracle de Delphes et de la méthode de Descartes, conduire l’homme à la connaissance de lui-même par la connaissance de Dieu.