Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/37

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ment de la Divinité, ou par un horrible complot du sacerdoce ?

Vous me prendriez pour quelque voltairien attardé, Monseigneur, si, après avoir effleuré d’un sourire votre Instruction religieuse, je n’en donnais la raison psychologique ; si je ne montrais, jusque dans cet abaissement où l’homme peut être conduit par la Foi, la grandeur de sa pensée et la poésie de sa conscience.

Disons-le donc, pour l’instruction d’une Église ignorante de ses propres mystères : il n’y a véritablement à redresser ici qu’un quiproquo. Changez l’adresse, et toute cette déraison apocalyptique devient l’épopée de l’humaine vertu.

Cette source de tout bien et de toute sainteté, que l’âme religieuse appelle son Seigneur, son Christ, son Père, c’est elle-même qu’elle contemple dans l’idéal de sa puissance et de sa beauté. Virgile le dit en propres termes, Dieu est la puissance éternelle de l’humanité :

Ô Pater, ô hominum divûmque æterna potestas !


Ces génies, ces anges, ces saints, qui forment la cortége du Très-Haut, ce sont toutes les facultés de cette âme, qu’elle réalise et personnifie, pour les invoquer ensuite comme ses patrons et ses protecteurs. Ce monstre d’ignominie qu’elle nomme Satan, c’est encore elle, dans l’idéalité de sa laideur. Et cette adoration sans fin, inintelligible au prêtre comme au vulgaire, est l’hymne perpétuel qu’elle se chante pour s’exhorter à bien penser, bien aimer, bien dire et bien faire ; la rapsodie, toujours nouvelle, de ses luttes, de ses misères et de ses triomphes ; le battement d’ailes qui l’élève vers les sublimités de la Justice.

Une pareille hallucination, direz-vous, serait plus merveilleuse que la religion même, dont on prétend expliquer ainsi le mystère.

Rien de plus naturel, cependant : vous allez en juger.