Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/380

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Fr. Morin, Ott, Buchez, et autres personnages dont le savoir égale l’honorabilité, et qui méritent que nous séparions profondément leurs théories de leurs personnes.

Non, dis-je, vous n’admettrez pas, en dépit des concessions favorables de MM. les abbés Mitraud, Guitton, Lenoir, du R. P. Félix et autres, que le progrès, qui n’est autre que la justification de l’humanité par elle-même, se concilie avec le péché originel… Raisonneur sincère autant que prêtre loyal, vous ne concevrez pas plus de socialisme chrétien que de religion par expérience, de foi positive, de république féodale, d’empire démocratique et de mariage libre. Tous ces mots, direz-vous avec moi, hurlent les uns contre les autres ; ils forment des accouplements monstrueux, propres tout au plus à représenter le pêle-mêle d’une transition, mais incapables de définir organiquement une période ni un système.

Mais, Monseigneur, si vous rejetez toute cette interprétation néo-chrétienne, comme injurieuse, arbitraire, fausse, tendant à l’apostasie et à l’athéisme, il vous faut rejeter encore, et par les mêmes motifs, votre exégèse, votre probabilisme, et toute prétention de concilier la raison théologique avec la raison scientifique, ce qui veut dire qu’il vous faut renoncer à rendre votre révélation seulement intelligible, et votre absolu probable. Je dis plus : il vous faudra reconnaître tout à l’heure que vous avez compromis la morale et troublé les consciences, en donnant pour base à la Justice une conception dont le sujet hypothétique ne peut pas recevoir le moindre commencement de preuve ; confesser que le monde a été par vous livré à la fantaisie, à l’hypocrisie, à la tyrannie de votre transcendance, et faire amende honorable entre les bras de la Révolution, qui seule peut dire : Ego sum Via, Veritas et Vita ; Je suis la Voie, la Vérité et la Vie.